Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/28

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décerné de couronne, et m’humilies-tu devant la ville ?

— Tu ne sais rien, lui répondit le pédagogue ; tu refuses de t’instruire ; tu ne suis pas même les classes. Le plus jeune de ces enfants, en trois jours, en apprend plus que tu n’en sauras de toute ta vie. Ta place est à la charrue de ton père, où tu feras bien de retourner avec tes esclaves. Apollon et les Muses te repoussent. »

Et l’assistance de rire.

Hercule, furieux, d’un coup de pied enfonce l’estrade, renverse l’arc de triomphe, culbute les bancs, les sièges, l’autel des parfums, brise le trépied, disperse les couronnes, fait de tout un monceau, et demande du feu. Ensuite il saisit le maître d’école, le fait entrer de force dans la peau du boa, la tête de l’homme sortant par la gueule du serpent, le coiffe de la hure du sanglier, et ainsi accommodé, le suspend à l’un des peupliers sous lesquels devait se faire la distribution. Les femmes fuient épouvantées ; les écoliers s’éclipsent ; le peuple se tient à l’écart : personne n’ose affronter la colère d’Hercule.

Le tumulte arrive jusqu’au palais, où était la mère d’Hercule, la digne Alcmène. Elle avait été d’une beauté splendide ; parvenue à l’âge mûr, on l’eût prise pour la déesse de la force. Elle vient, dit un mot à son fils, dont la rage, en présence de sa mère, tombe, mais pour éclater en sanglots. Alors elle demande au maître, demi-mort, ce que signifie cet esclandre. Celui-ci s’excuse de son mieux, proteste de son respect pour la princesse, mais ne peut lui dissimuler que son fils, ce puissant, ce superbe, ce magnanime Hercule, n’est après tout qu’un fruit sec. Alcmène, contenant à peine un éclat de rire, tant la figure du maître lui semblait drôle, lui dit : « Sot que tu es, que n’établissais-tu aussi dans ton école un prix de gymnastique ? Crois-tu que la ville n’ait besoin que de musiciens et d’avocats ? Allons, mon fils, descends-moi ce pédant ; tes études