Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/29

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achevées. Et c’est toi, ajouta-t-elle en parcourant les devises qui ornaient les bouquets jetés au héros, qui as remporté le premier prix…, au jugement des jeunes filles de Thèbes. »

Ce fut à la suite de cette aventure qu’Hercule institua les jeux olympiques, imités plus tard dans les Néméens, les Pythiques, les Isthmiques, et qui furent célébrés, pendant une longue suite de siècles, dans toute la Grèce. A ces jeux les historiens et les poètes venaient faire montre de leur talent, aussi bien que les athlètes de leur vigueur. Hérodote y lut son histoire ; Pindare s’y rendit fameux par ses odes.

Deux hommes, ex æquo, créèrent l’idéal grec, Hercule et Homère. Le premier, bafoué dans sa force, prouva que la force peut, à l’occasion, avoir plus d’esprit que l’esprit même, et que, si elle a sa raison, elle a par conséquent aussi son droit. L’autre consacra son génie à célébrer les héros, les hommes forts, et depuis plus de vingt-cinq siècles la postérité applaudit à ses chants.

L’ouvrage qu’on va lire, et qui a fait trembler une des célébrités du barreau de Paris, n’est autre chose qu’un commentaire sur ce vieux mythe. L’État, individualité collective ; le peuple, multitude ignorante, bonasse, mais indomptable, c’est Hercule. D’État à État, le seul droit reconnu est le droit de la force ; dans les masses, toute liberté et tout droit proviennent également de cette source. Y a-t-il là de quoi faire crier au scandale ? Et parce que c’est un révolutionnaire qui le dit, faut-il lui interdire la publicité ? Ah ! certes, il est beau à nous de vouloir, comme de purs esprits, nous régir par les seules lois de l’idée. Mais puisque la nature, en nous faisant de chair et d’os, nous a soumis en même temps à la force, sachons, sans honte, la reconnaître, et, s’il se peut, nous en emparer. Nous n’en vaudrons pas moins, parce qu’au lieu de ramper comme des Pygmées, nous saurons nous comporter généreusement, à l’occasion, comme des Hercules.