t-elle pas cédé jusqu’ici devant le progrès des idées et des mœurs ? En un mot, comment la guerre, dans une société pensante, est-elle possible ?
On conçoit, sous l’excitation de passions purement animales, des batteries d’enfants, des rixes entre jeunes gens, des luttes entre bergers, compagnons, matelots. On conçoit même le brigandage, la piraterie, et, jusqu’à certain point, les associations de malfaiteurs. Dans tout cela, il n’y a pas autre chose que des effets, plus ou moins violents et scandaleux, de l’animalité, faisant explosion par le vice et le crime. Mais la guerre, un conflit entre deux troupes composées chacune de l’élite d’un pays, la guerre entourée d’honneurs, de formalités légales, de cérémonies religieuses, comme un acte saint et sacré, ne se comprend plus, si d’un côté, sinon de tous deux, elle doit être, en principe, réputée injuste.
La guerre injuste, telle que la posent nécessairement les légistes, soit pour l’une des parties, soit pour toutes deux, est le plus grand des crimes. Or, si la justice peut être mise en péril chez l’individu par le tumulte des passions, elle fléchit plus difficilement dans le groupe. Plus le groupe, la cité, l’État devient considérable, plus, par l’effet de la loi qui préside à cette formation, la justice y acquiert de prépondérance ; en sorte que l’on peut dire que la justice, dans l’universalité du genre humain, est incorruptible. Comment donc, encore une fois, si la guerre est le crime, — et elle ne peut pas, de sa nature, être autre chose d’après les légistes, — comment, dis-je, est-elle en honneur ? Comment la réprobation universelle ne refoule-t-elle pas une si monstrueuse iniquité ? Comment, au contraire, voyons-nous dans l’histoire la guerre devenir plus fréquente, plus intense, en proportion de la civilisation ? Comment une moitié du genre humain est-elle toujours scélérate ? Comment, enfin, si la guerre ne contient aucun élément