Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/114

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question que de contraindre, sans jugement préalable, un débiteur de mauvaise foi, ou de se défendre contre une agression injuste. Dans les deux cas, l’idée d’un tribunal guerrier, d’un jugement par la voie des armes, d’une légalité inhérente au combat, en un mot d’un droit de la guerre, disparaît entièrement.

Inutile que je continue ces citations : les auteurs se copient tous.

Ainsi, plus nous avançons dans cet examen, plus nous voyons la séparation se creuser entre la jurisprudence de l’école et la foi universelle.

D’après la première, le droit de la guerre est un vain mot, une fiction légale tout au plus. Il n’y a pas de droit des batailles ; la victoire ne prouve rien ; la conquête, qui en est le fruit, ne devient légitime que par le consentement, formel ou tacite, mais libre, des vaincus, par la prescription du temps, la fusion des races, l’absorption des états : tous faits subséquents à la guerre, et dont le résultat est de faire disparaître les vestiges de l’ancienne discorde, d’en amortir les causes et d’en prévenir le retour. Considérer la guerre comme une forme de judicature, serait outrager la justice.

Devant la raison des masses, au contraire, la guerre prend un caractère différent. Dans l’incertitude du droit international, ou, ce qui revient au même, dans l’impossibilité d’en appliquer les formules à des justiciables tels que les états, les parties belligérantes s’en rapportent, par nécessité ou convention tacite, à la décision des armes. La guerre est une espèce d’ordalie, ou, comme on disait au moyen âge, un jugement de Dieu. Ceci explique comment deux nations en conflit, avant d’en venir aux mains, implorent, chacune de son côté, l’assistance du Ciel. C’est comme si la Justice humaine, confessant son impuissance, suppliait la Justice divine de faire connaître par la bataille