les repousse ; leur parole l’importune. Ceux-là surtout qui, après la révolution de février, parurent un moment s’être imposés à la nation, les derniers en date, lui sont devenus antipathiques. Elle leur a dit « Arrière ! »
Je conçois ce revirement, et, pour ma part, je m’y résigne. De semblables évolutions ne sont point rarrs dans la vie des peuples. Le vaincu peut s’inscrire en faux contre les arrêts de la Providence ; malgré lui, il est forcé de s’incliner devant la souveraineté des masses. Le temps a marché, le monde a tourné, la France a fait ce qui lui a plu : que pouvons-nous, républicains et socialistes de 1848, avoir à lui dire encore qui l’intéresse ? Suivons-nous seulement sa voie ? Nos cœurs sont restés inflexibles ; nos aspirations sont à rebours de l’époque ; nés de pères qui avaient vu 89 et 93, nous ne sentons pas de la même manière que la génération de 1830 ; malgré les plus illustres exemples, malgré les amnisties dont nous avons recueilli le bienfait, nous n’avons changé ni d’esprit ni de maximes. Nous sommes aujourd’hui, comme disait Sieyès, ce que nous étions hier. Cette constance est justement ce qui nous condamne. Après tant et de si terribles défaites, il y a contre nous chose jugée.
On nous l’a dit avec une franchise cruelle, et les plus impitoyables, comme d’habitude, ont été ceux que nous avions regardés jusque-là comme des amis, des coreligionnaires politiques — « Les hommes de 1848 sont finis, enterrés, oubliés. Il faut que les émigrés le sachent (certains républicains du dedans ont donné à ceux du dehors, à la suite du coup d’État, le nom d’émigrés) toute faveur leur est ôtée même au sein du parti. Ils ne sont pas au niveau ; ils ne savent pas le courant ; ils sont hors du mouvement. Ils ont perdu jusqu’au sentiment français. De grandes choses ont été faites, que leur seule ressource est de calomnier. Ils ont pris dans l’exil le langage et les idées de l’étranger,