Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/208

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Or, il y a de nombreux et graves reproches à faire à cette énumération. Le premier est que le droit de la guerre est considéré ici comme faisant partie intégrante du droit des gens, ce qui est inadmissible ; le second ; que les rapports des nations entre elles et les obligations qui en naissent ne différeraient en rien, quant à leur objet, des rapports et des obligations qui existent entre individus, ce qui ruine la distinction qu’on voudrait établir entre le droit civil et le droit des gens ; le troisième, qu’aucun des rapports spéciaux de nation en nation, aucune des graves questions que ces rapports soulèvent, ne sont seulement mentionnés ; le quatrième, que le droit primordial, celui duquel naissent, d’abord le droit de la guerre, et ultérieurement le droit des gens, le droit de la force, y est, comme d’habitude, entièrement méconnu. Arrêtons-nous là.

Les auteurs qui ont traité du droit des gens semblent avoir ignoré jusqu’aux règles de la classification. Comme ils avaient observé, par exemple, que le droit de la guerre est réservé aux chefs d’état, à l’exclusion des particuliers, ils en ont conclu que le droit de la guerre faisait partie du droit des gens. Ainsi du reste. Mais, d’abord, chacun sait que le droit de guerre n’a pas toujours été le privilége du prince ; que, pendant des siècles, il a appartenu à tout homme libre, et qu’aujourd’hui encore, en temps de guerre, les gouvernements le confèrent à de simples particuliers, au moyen des lettres de marque. Puis, ce n’est pas par l’importance des personnages que le droit se différencie, mais par les natures, facultés ou actions qui y donnent lieu. Ainsi, il n’y a pas un droit du riche et un droit du pauvre, un droit du noble et un droit du roturier, un droit du marchand en gros et un droit du marchand en détail, un droit pour les états de cinquante mille âmes et un pour ceux de cinquante millions. De semblables distinctions sont ce qu’on appelle en droit acception de