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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/216

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de la force qui, sous l’emblème d’un mariage, opérait jadis une fusion dés longtemps prévue, toujours poursuivie, et devenue à la fin nécessaire. Suivez l’histoire, en effet : les conventions matrimoniales des princes ne sont plus de rien quand elles ont contre elles le droit de la force, qui n’est autre ici que le droit des gens. Louis XII aura beau alléguer les droits qu’il tient de sa grand-mère Valentine sur le duché de Milan : la réunion ne s’opérera pas. Entre la France et l’Italie, séparées par les Alpes et par la différence des nationalités, il n’y a plus lieu à appliquer le droit de la force, pas le moindre prétexte à réunion ou incorporation, et les plus belles armées sont ici sans vertu. La force seule, de même que la naissance, le génie ou la liberté, sans le droit, est impuissante. La plus éclatante bravoure combat en pure perte.

Qui ne s’est scandalisé, en lisant l’histoire de Louis XIV, de la pauvreté des motifs allégués par ce prince pour justifier son invasion des Pays-Bas ? Le droit de dévolution qu’il invoquait du chef de sa femme n’était nullement applicable dans la circonstance, et l’on a honte, pour la France et pour son souverain, de voir une cause, d’ailleurs si plausible, soutenue avec une mauvaise foi si opiniâtre et de si détestables arguments. Personne ne sut dire la vraie raison ; elle était invincible. Devant la justice des nations, telle que la donnent les nécessités de l’agglomération politique, l’Espagne n’avait pas plus de droit sur les Pays-Bas et sur la Franche-Comté que la France elle-même n’en avait sur le Milanais, ou l’Angleterre sur la Guyenne. En revanche, la même loi d’incorporation qui, sous Ferdinand et Isabelle, avait déterminé la réunion de l’Aragon et de la Castille ; qui, sous Charles VIII et Louis XII, décida la réunion à la France de la Bretagne ; qui plus tard, sous Louis XV, fit retourner définitivement la Lorraine, ancien fief impérial, au royaume son rival, cette loi voulait que la