Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/25

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jet. Comme il se défiait, pour une semblable expédition, de sa massue, trop légère à son gré, trop courte, et pas assez dure, il fit choix d’une verge de fer, longue, grosse, flexible, du poids de deux hommes, qu’il prit soin de forger lui-même, et qu’il manœuvrait à deux mains, comme le batteur de blé manœuvre son fléau. Ainsi armé, sans autre vêtement que sa ceinture, Hercule fut attaquer dans son repaire le serpent. Au moment où celui-ci, partant comme un trait, avec un sifflement épouvantable, fond sur son ennemi, Hercule, qui avait joué avec le lion de Némée, n’éprouva pas un frisson. Se jetant de côté, il frappa, par le travers, le boa avec tant d’adresse et de force, qu’il lui brisa l’épine, et que ceux qui de loin regardaient le combat virent tomber le serpent comme s’il eût été coupé en deux. Lachis s’approchant aussitôt : » Tu n’aurais pas essayé, dit-il à Hercule, de l’étouffer entre tes bras, comme tu étouffas ce pauvre Aulée, fils de la Terre. » Hercule, d’un revers de ses doigts, envoya Lachis contre le rocher ; la cervelle jaillit, et le dénigreur fut enfoui, avec l’hydre, dans les boues de Lerne.

Comme tous les héros, dès qu’il se trouvait en face de l’ennemi, une sorte d’inspiration s’emparait d’Hercule. Sur-le-champ il voyait ce qu’il y avait à faire ; son intelligence alors dépassait celle des plus habiles. Le chat sauvage saisit sa proie à la gorge ; le taureau donne son coup de corne sous le ventre de Bon adversaire ; le cheval tourne la croupe, et lance en fuyant son double coup de sabot ; le serpent se glisse autour de sa victime et l’étouffe. Ainsi l’homme de combat, en qui se réunissent le courage, l’adresse et la force, sait en toute circonstance, d’une science immédiate et certaine, quelle tactique il lui convient d’employer. La réflexion ne lui sert qu’à expliquer aux autres ses intentions ; mais le génie de la guerre, ce que les militaires nomment simplement le coup d’œil, ne