Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/256

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Or, le résultat de cet examen a été, contrairement au dire de l’École, mais d’accord avec la croyance des nations, d’accord avec les espérances qu’avait fait naître en nous cette phénoménologie grandiose de la guerre, qu’autant il est certain que la justice est une faculté réelle et une idée positive de l’homme, autant il est vrai qu’il existe un droit réel et positif de la force ; que ce droit est soumis aux mêmes conditions de réciprocité que les autres ; qu’il a, comme tout autre, sa spécialité et par conséquent ses limites, sa compétence et son incompétence ; que son application la plus ordinaire, depuis la formation des premières sociétés, a lieu entre états, soit qu’il s’agisse de leur formation et de leur agrandissement, ou bien de leur division et de leur équilibre ; enfin, que la guerre est la forme d’action du droit de la force, attendu qu’elle a uniquement pour but, dans les cas déterminés, de poursuivre la revendication des prérogatives de la force, en rendant, par le combat, la force elle-même manifeste. Comme le droit de propriété et le droit du travail, comme le droit de l’intelligence et celui de l’amour, le droit de la force est un des droits de l’homme et du citoyen, le premier de tous dans l’ordre de manifestation : seulement, par l’effet du pacte social, le citoyen s’en dessaisit entre les mains du prince, qui seul se trouve investi, au nom de tous, du droit de guerre et du droit de justice.

Le droit de la force, partant celui de la guerre, une fois reconnus comme droits réels, rétablis dans la législation et dans la science, la déduction des autres droits n’éprouve plus la moindre difficulté. Le droit des gens a pour but de légaliser, pour ainsi dire, la guerre ; d’en prévoir et d’en régulariser les effets, au besoin de la prévenir, en définissant par avance les rapports des puissances et leurs prérogatives. Le droit politique naît de la substitution d’une force publique, agissant pour tous, à la force éparpillée des