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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/300

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A la guerre, selon Grotius et tous les auteurs, il est permis, non-seulement de blesser et tuer, ce qui est la conséquence inévitable du combat, mais d’assassiner ; permis d’empoisonner ; permis de passer au fil de l’épée des populations entières, sans distinction d’âge ni de sexe ; permis de les transporter ; permis de saccager, brûler, dévaster ; permis de violer ; permis de réduire en esclavage ; permis de massacrer les prisonniers ; permis de piller, rançonner, déposséder, confisquer ; permis de dépouiller les sépultures… Tout cela, selon les auteurs, et nous en produirons les témoignages, fait, a l’occasion, partie du droit de la guerre. Aucune armée ne s’en est jamais fait faute ; c’est jusqu’à ce jour, on le verra, ce qu’on appelle la guerre dans les formes.

Je sais que les auteurs recommandent de toute leur force aux chefs d’armée la clémence ; que le progrès des mœurs a jusqu’à certain point adouci, dans l’exécution, cette rigueur des prétendues lois de la guerre, et qu’il est passé dans les habitudes militaires de s’abstenir de tout sévice et dégât inutiles. Mais reste le cas d’utilité, dont chacun à la guerre, depuis le simple soldat jusqu’au général en chef, dans la limite de son action, est seul appréciateur. On devine, sans qu’il soit besoin de le dire, ce que peut être l’appréciation d’un homme armé, exalté par le combat, à qui la vie de ses semblables est devenue chose légère, et qui voit partout des dangers. Pour peu qu’il se croie menacé, il tuera, brûlera, saccagera ; il y aura utilité, nécessité même. La guerre alors n’est plus, selon l’expression de Virgile, qu’un assaut de fureurs et de haines, une lutte de dévastations et de rapines, où tout ce que la justice ordinaire réprouve devient licite :

Tum certare odiis, tum res rapuisse licebit.