Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/323

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ceux qui, surprenant en flagrant délit de désarmement et de confiance la nation espagnole, trahissant l’hospitalité, appelaient ensuite cette nation outragée à des batailles inégales, dérisoires ? N’est-ce pas, en un mot, par les soldats d’Austerlitz et de Friedland ? Napoléon, à Sainte-Hélène, a rendu justice aux Espagnols. « Ils ne voulurent pas de moi ; je n’ai rien à dire. » Cela ne suffit pas. Les considérations politiques qui déterminèrent la guerre d’Espagne auraient pu être irréfutables, que la manière dont cette guerre fut menée resterait odieuse. Napoléon, après ses trois campagnes de 1805, 1806 et 1807, était-il las de vaincre, qu’il attaquait d’une façon si sournoise une nation amie et désarmée ?

A propos de la maraude, les militaires font une objection : « La guerre, disent-ils, doit nourrir la guerre. C’est un axiome du métier, un article du vieux droit des gens qui n’est contesté par personne. Les Romains, si scrupuleux à l’endroit des stratagèmes, appliquaient sans honte cette maxime, à laquelle la réciprocité enlève d’ailleurs tout caractère d’irrégularité. »

J’observe d’abord que, sur ce chapitre, les écrivains militaires ne sont pas d’accord entre eux.


« Avant les guerres de la Révolution, on était tellement persuadé de cette vérité (que la maraude est le fléau de la discipline et la peste des armées), qu’on avait adopté, pour ainsi dire, d’un commun accord, la méthode de nourrir les armées de leurs propres magasins ; qu’en conséquence on réglait leur marche sur celle des fours, et que toute manœuvre rapide était proscrite, parce que le pain ne pouvait suivre. Les armées françaises, qui vivaient de réquisitions et se confiaient pour leur subsistance dans la fertilité du pays où elles portaient la guerre, obtinrent des succès éclatants sur ces guerriers