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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/328

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que, selon le droit de la guerre, cette armée aurait pu piller et pressurer un territoire qu’elle devait enlever seulement de vive force, c’est-à-dire en faisant usage de ses propres moyens, non en s’emparant de la subsistance des habitants ? Le soutenir, ce serait justifier les déprédations des Attila, des Gengis-Khan, de tous les barbares qui prenaient insolemment le titre de marteaux des nations, de fléaux de Dieu, mais dont les conquêtes éphémères ne fondèrent jamais rien ; ce serait absoudre le brigandage et donner à la piraterie un brevet d’encouragement.

Il y a quelque chose de plus condamnable encore que de détruire, par des dévastations, les forces matérielles de l’ennemi ou d’en piller les sujets, c’est de corrompre ses officiers et ses soldats, et d’ébranler la constance de ses citoyens. En 1809, Napoléon, partant pour la campagne de Wagram, adressa une proclamation aux Hongrois, par laquelle il les poussait à la défection, leur promettant en récompense de rétablir leur nationalité. En cela il ne dérogeait point au droit établi, et je ne songe point à lui en faire un grief. Napoléon agit de même, en 1812, avec les Polonais, lors de la campagne de Russie. Les Hongrois ne remuèrent pas, et n’eurent du moins à se plaindre ni de leur imprudence ni de la mauvaise foi du tentateur. Les Polonais n’eurent pas la même réserve ; le soulèvement fut général parmi eux et prompt comme la poudre. Puis, quand ils réclamèrent leur liberté, le conquérant répondit qu’il ne les trouvait ni assez mûrs ni assez bien organisés pour faire un peuple libre ; en quoi sûrement il ne se trompait pas. Six mois après lui-même était abattu.

Tout cela est d’une guerre déloyale. Sans doute la fidélité des populations au gouvernement, comme celle du soldat au drapeau, compte parmi les éléments de force des états. Il est donc dans l’ordre que celui qui offre le moins