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la guerre. C’est l’idée messianique qui fait son entrée dans le monde, sous la figure d’Auguste, l’empereur pacifique. Mais qui. ne prévoit déjà que le christianisme enfantera la chevalerie, et que le Pape, vicaire de Jésus-Christ, fera alliance avec le prince des Paladins, avec Charlemagne ? Tant l’idée de guerre et de conquête était inséparable de cette révolution divine !

Longtemps avant le Christ, longtemps avant les César, les Alexandre, les Cyrus, les Nabuchodonosor, les Sémiramis, les Sésostris, par delà toutes les annales des états, Bacchus, Osiris, avaient parcouru la terre en conquérants. Le même exemple devait être suivi par Allah.

Otez l’idée de guerre, la théologie devient impossible ; les dieux n’ont pas de sens ; bien plus, ils n’ont rien à faire. La terre, sans la guerre, n’aurait aucune notion du ciel ; Sem et Japhet, les deux vaillants et pieux fils de Noé, sont sans religion. Or, la pensée religieuse s’arrêtant, que faites-vous de l’Asie et de l’Europe ? Que devient la civilisation ?

On objecte, en répétant une vieille et assez médiocre plaisanterie : Dieu a fait l’homme à son image ; l’homme le lui a rendu. Qu’importent à la religion et à la société ces imaginations de barbares acharnés à s’entre-détruire et faisant leur ciel à l’imitation de leurs hordes ? La férocité des pères engage-t-elle la douceur des enfants, et parce que les premiers furent idolâtres, les seconds ne sauraient-ils être raisonnables ?

Soit : on rejette d’un seul mot toute la théologie des anciens, ce qui est grave, parce qu’y découvrant, l’idée de guerre, on la regarde dès lors comme viciée, produit mauvais d’une pensée mauvaise. A quoi cela avance-t-il ? La théologie des modernes en sera-t-elle plus raisonnable, et leur morale plus épurée ? Mais qui ne voit que si la guerre a servi primitivement de moule à la théologie, ce n’est pas