Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/55

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richesse. Tout était passé au maire du palais ; le maire donc était roi. Le droit, en pareil cas, suit naturellement le fait : la déclaration du pape ne dit tien de plus. Si la force compte pour quelque chose dans les affaires humaines, il faut avouer que cette déclaration était juste.

Henri IV était légitime : mais de quoi lui eût servi son droit de naissance, de quoi lui eût même servi d’aller à la messe, s’il n’avait eu en même temps la force ? Henri IV, le plus doux et le plus légitime des princes, régna par droit de conquête ; c’est alors qu’il fut pour tout de bon reconnu par le peuple. Le peuple, ne vous en déplaise, a la religion de la force. Peut-être se trompe-t-il ; mais je vous demande précisément comment il se fait que depuis si longtemps et avec tant d’obstination il se trompe ? Chose singulière, en 1814, l’homme du droit divin, c’était Napoléon, le conquérant ; l’homme du droit humain, révolutionnaire, c’était Louis XVIII, l’auteur de la Charte. Lequel des deux, dans l’esprit des masses, passait pour légitime ?

De même qu’elle sert de base à la royauté, la guerre sert de base a la démocratie. Le champ de mai était l’assemblée des guerriers ; ce qui était vrai des Francs l’est encore des Français. En décrétant que tout citoyen est garde national, la Charte de 1830 avait décidé implicitement que tout citoyen serait électeur ; ce que nous appelons droit politique n’est autre chose, dans son principe, que le droit des armes. Cela se démontre encore d’une autre manière : toute la valeur du suffrage universel, abstraction faite du service militaire, repose sur cette maxime, complaisamment répétée par nos tribuns, et qui est de pur droit divin : Vox populi, vox Dei. Ce qu’il convient de traduire, comme on verra : le droit du peuple, c’est le droit de la force.

Pu suffrage populaire, universel ou restreint, direct ou indirect, se déduit le principe parlementaire des majorités :