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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/105

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Je ne sais si le lecteur est frappé autant que je le suis moi-même de cette accumulation d’anomalies : toujours est-il qu’il y a là un mystère qui demande explication. Il est certain que rien, ni dans la notion de la guerre, ni dans son principe, ni dans ses conditions, ni dans ses motifs, ni dans son objet, ne rend raison de cette multitude d’actes abusifs, illégaux, qui constituent la pratique usuelle de la guerre ; il est certain en outre que les neuf dixièmes de ces calamités ne peuvent être attribués à la faculté irascible du guerrier. Les volontés ne peuvent être ici mises en cause ; l’erreur vient de plus loin que la malice des hommes.

Il est de règle en philosophie, lorsqu’un fait ne trouve pas son explication dans celui qui l’a immédiatement déterminé, de remonter la chaîne des causes et de ne s’arrêter que lorsqu’on arrive à un principe qui rende raison de tout. Agissons de même. Les motifs, à nous connus, de la guerre n’ont rien que d’honorable pour toutes parties ; les règles qui s’en déduisent pour la direction des opérations militaires n’offrent à leur tour rien que de chevaleresque. Les passions, enfin, que peut allumer momentanément le tumulte des armes ne peuvent donner lieu qu’à des excès individuels, exceptionnels, momentanés, sans proportion avec ces longues et incalculables calamités qu’engendre la guerre. Il est donc évident qu’une influence secrète, encore inaperçue, domine les faits et les dénature. D’où vient cette influence ? En autres termes, quelle est la cause première de la guerre ?

Grotius, qui nous semble de tous les auteurs avoir le mieux senti l’importance de cette recherche, ramène toutes les causes de la guerre à une seule, qu’il considère comme primordiale, capable par conséquent de rendre raison de tous les phénomènes : la défense de soi et du sien.

Il y a dans ce peu de mots toute une révélation. Si la