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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/136

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opulence, permet néanmoins de s’abstenir de travail productif.

Le paupérisme est la pauvreté anomale, agissant en mode subversif. Quel que soit le fait particulier à la suite duquel il se produise, il consiste dans le défaut d’équilibre entre le produit de l’homme et son revenu, entre sa dépense et son besoin, entre le rêve de son ambition et la puissance de ses facultés, par suite, entre les conditions des citoyens. Que la faute vienne des individus ou des institutions, de la servitude ou du préjugé, le paupérisme est une violation de la loi économique, qui d’un côté oblige l’homme à travailler pour vivre, de l’autre proportionne son produit à son besoin. Le travailleur, par exemple, qui n’obtient pas en échange de son travail le minimum du revenu moyen collectif, soit 1 fr. 75 c. par jour pour lui et sa famille, appartient au paupérisme. Il ne peut pas, à l’aide de ce salaire insuffisant, réparer ses forces, entretenir son ménage, élever ses enfants, bien moins encore développer sa raison. Insensiblement il tombe dans le marasme, la démoralisation et la misère. Et cette violation, je le répète, est un fait essentiellement psychologique ; elle a sa source, d’un côté, dans l’idéalisme de nos désirs, de l’autre dans le sentiment exagéré que nous avons tous de notre dignité et le peu de cas que nous faisons de celle d’autrui. C’est cet esprit de luxe et d’aristocratie, toujours vivant dans notre société soi-disant démocratique, qui rend l’échange des produits et des services frauduleux en y introduisant un élément personnel ; qui, au mépris de la loi des valeurs, au mépris même du droit de la force, conspire sans cesse, par son universalité, à grossir la fortune de ses élus des innombrables parcelles dérobées au salaire de tous.

Les faits par lesquels se traduit dans l’économie générale cette répartition vicieuse varient selon les lieux et les