Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’il est permis de contester toujours, au point de vue de la guerre, la légitimité d’une telle cause, on n’en, saurait malheureusement nier la présence. Il n’y a rien sur la terre de plus constant, de plus implacable que la misère du genre humain. Ego sum pauper et dolens : voilà, si les guerriers avaient autant de philosophie que de bravoure, la devise qu’ils mettraient sur leurs drapeaux.

Ainsi, la cause première de toute guerre est unique ! Elle peut varier d’intensité et n’être pas absolument déterminante ; mais elle est toujours présente, toujours agissante, et jusqu’à présent indestructible. Elle éclate par les jalousies, les rivalités, les questions de frontières, de servitudes, des questions, si j’ose ainsi dire, de mur mitoyen. Là est la responsabilité des nations. Sans cette influence du paupérisme, sans le désordre qu’introduit dans les états la rupture de l’équilibre économique, la guerre serait impossible ; aucun motif secondaire ne serait capable de pousser les nations à s’armer les unes contre les autres. C’est donc aux nations à pourvoir a leur économie intérieure, et à s’assurer, par le travail les pratiques de tempérance, l’équilibre des intérêts, contre le paupérisme, le seul et véritable risque de guerre.

Mais si la guerre, sans le mal-être qui soulève les nations, est impossible, comme un effet sans cause, elle ne parvient à enlever les consciences et à se faire accepter qu’au moyen des motifs de droit international qui devant la raison d’état la légitiment. Ici commence la responsabilité des chefs politiques, dont l’initiative seule est capable de faire passer la guerre de la possibilité à l’acte. C’est déjà un premier et remarquable effet de l’application des principes de l’économie que les nations, rendues stationnaires, ne se puissent plus ruer spontanément les unes contre les autres : les invasions en masse sont de la période barbare, le dernier acte de la vie forestière et no-