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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/181

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pos. Les chefs d’état n’ont qu’à lâcher la bride ; les peuples vont se précipiter. Pour s’entre-détruire, pour s’appauvrir encore davantage, ni sang ni trésors ne leur coûtent plus. C’est pourquoi, lorsque vient à s’allumer l’incendie, l’historien et le publiciste n’ont pas véritablement à en rechercher la cause ; la seule question à se poser est de savoir comment le monstre a brisé sa chaîne, par quelle intrigue, par quelle fatalité ou quelle maladresse des préposés des nations il s’est jeté sur le monde.

D’après ces considérations, on peut juger des dispositions pacifiques des gouvernements par l’état de leurs finances, la situation agricole-industrielle des peuples, le chiffre des hypothèques, le développement parallèle du parasitisme et du prolétariat, l’écart toujours plus grand des fortunes. De l’ordre intérieur dépend la tranquillité au dehors : cela est aussi certain qu’un axiome de mathématique. Le flair du peuple en ceci est merveilleux ; la misère lui fait sentir de loin la guerre, procul odoratur bellum, comme l’ogre affamé sentait la chair fraîche.

Quel est, je vous prie, l’état en Europe qui ne soit à cette heure en déficit ? Nous avons montré qu’une nation ne produit que son nécessaire ; l’humanité demande chaque jour à Dieu et au travail son pain quotidien. Mais la dépense excède toujours et de beaucoup la recette, précisément parce que l’humanité, croyant de toute son âme à la richesse, se comporte en conséquence. Les dettes des nations européennes, publiques et hypothécaires, dépassent peut-être cent milliards ; et chose à remarquer, ce sont les pays qui produisent le plus et le mieux, et qui font le plus d’affaires, qui sont les plus chargés. Ce sont aussi les plus enclins à la guerre, ce qui signifie, à l’envahissement.

Depuis quatre siècles les découvertes des navigateurs ont fourni aux diverses puissances de l’Europe des sources nombreuses de profit et à leurs populations de vastes dé-