Aller au contenu

Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous sommes arrivés à cette situation étrange, qui est celle de l’Europe au dix-neuvième siècle, savoir, que l’état de guerre, malgré qu’en aient les chefs d’État et la partie éclairée des nations, subsistant toujours ; les armées et les moyens de destruction étant plus formidables que jamais ; en même temps le mépris du pillage semblant devoir prendre le dessus et la conquête se résoudre en une pure incorporation politique : le bénéfice de la conquête se réduirait, pour l’État conquérant, à l’exploitation de ses propres sujets. Pour qu’il en fût autrement il faudrait revenir au système des guerriers antiques, des Spartiates vis-à-vis des Hiloles, des Romains vis-à-vis des nations soumises, des Turcs vis-à-vis des chrétiens ; il faudrait, par une extension exorbitante des motifs politiques, procéder, la bataille gagnée, à la dissolution de l’État vaincu, exproprier la nation en masse, la constituer fermière de son propre sol, et faire du pays soumis une métairie au profit et pour la plus grande gloire du vainqueur.

Ou l’exploitation de ses nationaux, ou la réduction en servitude de l’étranger, tel est le dilemme posé aujourd’hui au conquérant par la guerre.

C’est en présence de ce dilemme, auquel il est de toute impossibilité aux chefs d’état d’échapper, que nous reproduirons la question déjà prévue à la fin du livre III, et ajournée jusqu’à plus ample information sur la cause de la guerre : S’il est permis de songer a une réforme du code de la guerre et d’en ramener les opérations à une pratique meilleure ?

Car, si d’un côté l’on ne peut dire que la politique ait fait son temps, que le règne de la raison d’État soit fini, que la guerre par conséquent ait rempli sa mission, et qu’il n’y ait plus entre les nations ni disjonction ni incorporation à opérer, en deux mots s’il est probable que dans la condition actuelle de la société une prolongation du régime