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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/283

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par laquelle il se révèle à la terre comme son légitime souverain, Celui qui pénètre la raison des choses et qui est libre. J’observe seulement qu’à l’époque où nous sommes parvenus, la guerre, quant au fond, ne peut plus être entreprise sans soulever contre l’agresseur un odieux soupçon ; quant à la forme, qu’elle n’est plus faisable.

Je dis d’abord qu’au fond, la guerre ne peut plus dissimuler sa véritable cause, et que tous les considérants politiques dont elle essayerait de s’envelopper apparaissent de plus en plus comme des logomachies. Ceci est également vrai des multitudes et des gouvernements. Est-ce que l’Angleterre, par exemple, ferait la guerre pour un principe, pour une idée ? Eh ! non, l’Angleterre n’a souci que de son exploitation, comme dit M. de Ficquelmont, à moins toutefois qu’il ne s’agisse d’une descente sur ses côtes. Or, toutes les nations sont entrées plus ou moins dans le sentiment anglais ; toutes imitent de leur mieux la politique exploitante de l’Angleterre. La date de 1814-1815, qui a ouvert pour l’Europe l’ère des gouvernements constitutionnels, est aussi, et pour la même raison, celle qui a vu naître la prépondérance des intérêts. Et les masses suivent la pensée des gouvernements. Le prolétaire, de même que le bourgeois, n’estime la liberté, le suffrage universel et ce qui s’ensuit, que pour le profit qu’il en espère : c’est un point que les manifestations de 1848 et les mœurs de 1852 doivent avoir mis pour tout le monde hors de doute.

L’esprit de cupidité et de rapine est la vraie caractéristique de l’époque actuelle. Le pauvre exploite le riche, l’ouvrier son patron, le locataire et le fermier leur propriétaire, l’entrepreneur ses actionnaires, ni plus ni moins que le capitaliste exploite et pressure l’industriel, le propriétaire le cultivateur, et le fabricant le salarié. Il y a un fait qui, dans un autre genre, traduit bien cet anta-