Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/31

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Ainsi la guerre a ses frais de main-d’œuvre ; elle a sa matière première, qui sont ses munitions, des produits souvent très-perfectionnés de l’industrie ; elle a ses travailleurs, qui sont les soldats ; elle a son produit, qui est la conquête, l’incorporation d’une ville, d’une province, d’une nation, ou leur affranchissement. La guerre implique donc, avec l’effusion du sang, le sacrifice d’une certaine quantité de capitaux et de produits. En un mot elle a, comme toute industrie, son compte de recettes et de dépenses.

Les expositions industrielles, qu’on pourrait définir des joutes pacifiques, coûtent fort cher : on se les permet cependant, dans l’intérêt de l’industrie elle-même et du progrès des nations. La guerre, qui est la lutte armée des nations, combattant soit pour leur indépendance, soit pour leur prépondérance, coûte bien davantage. On s’y résigne néanmoins, et, une fois l’héroïque résolution arrêtée, on ne songe plus qu’à la mener avec vigueur et rapidité, les pires des guerres étant les guerres prolongées avec des résultats indécis.

Il suit de là que la guerre, ne se faisant pas pour elle-même, ne sacrifiant pas les hommes et les choses pour le plaisir de la destruction, mais pour la victoire, c’est-à-dire pour la conquête, ou ce qui revient au même, pour la suprématie, la guerre, dis-je, a aussi son économie ; elle est conservatrice, productrice même, de la même manière que le travail, qui, tout en consommant, conserve et reproduit. Toute destruction en dehors de ces règles est abusive, viole le droit. C’est barbarie pure, guerre de bête féroce.

Une conséquence de ce principe, c’est que l’État qui entreprend la guerre, la nation qui la consent, le général qui la conduit, doivent avoir constamment en vue de proportionner leurs sacrifices à l’intérêt qu’ils veulent sauvegarder, à l’avantage qu’ils prétendent obtenir. Il serait contre le droit de la guerre, autant que contre le vulgaire