Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/38

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de destruction, entretenir la main au soldat, l’animer, lui relever le moral. Dans toute bataille, comme dans toute ville prise d’assaut, une part plus ou moins large est faite au carnage, en dehors de l’utilité comme du péril. On dirait que, sans colère et sans haine, le civilisé serait incapable de se battre. A la bataille de Ligny, les soldats français, emportés par la haine, excités par les paroles du général Roguet, ne faisaient pas de prisonniers. Le surlendemain, à Mont-Saint-Jean, les Prussiens prenaient leur revanche ; il ne tint pas à Blücher que Napoléon n’expiât de sa personne ces infractions au droit de la guerre. Mais passons sur ces tueries, que les relations dissimulent le plus qu’elles peuvent. Aussi bien, est-ce qu’on a le temps, sur le champ de bataille, de faire des prisonniers ? Est-ce qu’on le peut ? Ne faudrait-il pas les garder ? Tue, tue ; les morts ne reviendront pas… Parlons de choses moins atroces.

Le viol n’est plus aussi fréquent, à ce qu’on assure, dans les armées qu’il l’était autrefois. C’est un progrès dont nos modernes guerriers aiment à se glorifier, et dont je les félicite de bon cœur, si le compliment les touche. Mais point d’escobarderie. Il y a viol et viol. La galanterie soldatesque a de nos jours des façons beaucoup moins inhospitalières que jadis. Dans son Histoire de la Révolution, M. Thiers, parlant des belles Italiennes dont les heureux soldats de Bonaparte recueillaient les faveurs, exclut naturellement l’idée de viol : la chose en valait-elle mieux ? C’est-ce dont les historiens étrangers, italiens et autres, ne sont pas avec nous d’accord.

Quoiqu’il en soit de la réserve de MM. les militaires, reste la question de droit : à cet égard, il ne faut pas qu’on se fasse d’illusion. D’après les notions reçues, le viol est licite, en principe, de par la loi de la guerre : de même que le pillage, il rentre dans la prérogative de la victoire. Grotius ne trouve à combattre le viol qu’au moyen du