Page:Proudhon - La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre.djvu/226

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les assimile aux idéologues et les persécute à l’occasion. On sait comment il traita les démocrates, rendus si odieux sous le nom de jacobins. Mirabeau n’était plus ; Sieyès, en révélant sa vénalité, avait achevé de déconsidérer le système constitutionnel ; J.-B. Say se tenait à l’écart ; Saint-Simon poursuivait, inconnu, le cours de ses observations sur l’humanité, et prophétisait à quelques amis la fin du régime militaire et gouvernemental ; Fourier, simple commis, rêvait au fond d’un magasin ; Chateaubriand continuait à sa manière la réaction de l’ancien régime, et jetait les fondements de la restauration. Napoléon restait seul, n’ayant trouvé ni son Aristote ni son Homère, personnage à l’antique, doué de toutes les qualités qui font le héros, mais qui chez lui ne pouvaient plus servir qu’à masquer la faiblesse de l’homme d’état.

Le monument le plus réel de la période impériale, celui auquel l’orgueil de Napoléon semble tenir surtout, est la rédaction des codes. Or, qui ne voit aujourd’hui, surtout depuis le 2 décembre, que cette compilation de la jurisprudence des siècles, qui devait fixer à jamais les bases du droit, n’est qu’une utopie de plus ? Trois ou quatre décrets de Louis- Napoléon ont suffi pour infirmer l’œuvre législative de l’Empereur, et porter à sa gloire la plus grave atteinte. Le code Napoléon est aussi incapable de servir la société nouvelle que la république platonienne : encore quelques années, et l’élément économique, substituant partout le droit relatif et mobile de la mutualité industrielle au droit absolu de la propriété, il faudra reconstruire de fond en comble ce palais de carton !