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Dalila, de sa chevelure, n’est plus qu’une masse inerte, à l’état chaotique ; il y a bien une matière sociale, il n’y a plus de société.

Ainsi, le peuple français, dans ses masses profondes, avec la centralisation qui l’enserre, le clergé qui le prêche, l’armée qui le surveille, l’ordre judiciaire qui le menace, les partis qui le tiraillent, la féodalité capitaliste et mercantile qui le possède, ressemble à un criminel jeté au bagne, gardé à vue nuit et jour, avec cotte de mailles, camisole de force, chaîne, carcan, une botte de paille pour lit, du pain noir et de l’eau pour toute nourriture. Où et quand vit-on une population mieux garrottée, serrée, gênée, mise à une diète plus sévère ? Les Américains, qui n’ont ni clergé, ni police, ni centralisation, ni armée ; qui n’ont point de gouvernement, dans le sens que l’ancien monde attache à ce terme ; qui ne savent que faire de leur bétail, de leurs farines et de leurs terres, parlent de nous fort à l’aise ! Nous portons, depuis des siècles, un poids qui en moins d’une génération aurait écrasé toute autre race ; et telle est notre misère, que si on nous ôte ce poids, nous cessons momentanément de vivre ; si on nous le conserve, nous ne pouvons pas exister !

Certes, jamais occasion plus belle ne s’offrit à des révolutionnaires. Tout le monde, la bourgeoisie elle-même, le sentait. Il répugne que la société ne soit autre chose que l’immolation systématique du grand nombre au plus petit, quand ce grand nombre se compose d’individus de même sang, doués d’aptitudes identiques, capables enfin de devenir à leur tour, par l’instruction et le travail, aussi sa-