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n’osait aller jusqu’à l’anarchie, qui comme tout principe indique plutôt un idéal qu’une réalité, on ne pouvait du moins se refuser à une simplification générale de l’institut politique.

Le peuple donc était-il déclaré hors de tutelle, et suî juris ? La centralisation, ce vaste champ d’orgueil, devait être immédiatement attaquée, et les citoyens envoyés en possession d’eux-mêmes. On restituait, sauf les transitions à ménager, aux départements et aux communes la gestion de leurs affaires, le soin de leur police, la disposition de leurs fonds et de leurs troupes. De quel droit des individus, nommés par leurs pairs, auraient-ils prétendu savoir mieux à Paris ce qui convient aux provinces, que les électeurs eux-mêmes ?… Pour faire des Français, la première condition était de faire des citoyens, c’est-à-dire, dans notre langue, des gens de leur pays, ce qui ne peut s’obtenir que par la décentralisation. On fondait l’armée dans les gardes urbaines ; on laissait aux intérêts en litige le choix des arbitres, la forme des procédures, l’autorité des solutions…

Pensait-on, au contraire, que dans cette démocratie sans dictateur, sans sénat, sans factotons et sans mouchards, l’ordre ne durerait pas huit jours ; que le peuple avait besoin, suivant le style de Rousseau, d’un prince, comme il avait besoin d’un dieu ; que hors de là, les particuliers se battraient entre eux, que le faible serait livré à la merci du fort, le riche exposé à l’envie du misérable ; qu’une force était nécessaire à la République, pour contenir les mauvaises passions, punir les délits, et donner aux honnêtes gens la sécurité ?