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France contre les hordes du Nord ; question de propagande démocratique, et par suite d’initiative gouvernementale pour le socialisme : l’émancipation de la Pologne, appuyée du suffrage du peuple, devait enlever les sympathies des représentants, et promettait le succès à toutes les idées de réforme. Que l’Assemblée déclarât la Pologne libre (ce qui voulait dire la guerre avec l’Europe, comme le voulait la politique démocratique), ou qu’elle organisât le travail, comme le lui demandait le socialisme, c’était, pour le quart d’heure, absolument la même chose. Les discours des citoyens Wolowski, Blanqui, Barbès et Raspail, l’ont prouvé.

La situation rendait la chose encore plus palpable. Dire au gouvernement de prendre l’initiative de l’émancipation des nationalités, c’était lui dire en autres termes : Depuis trois mois, vous n’avez rien fait pour la Révolution, rien pour l’organisation du travail et la liberté des peuples, deux choses absolument identiques. Deux fois vous avez repoussé l’initiative qui vous appartient, et le travail ne reprend pas, et vous ne savez que faire de tous ces prolétaires qui vous demandent du travail ou du pain, qui bientôt vous demanderont du pain ou du plomb. Faites de ces hommes une armée de propagande, en attendant que vous puissiez en faire une armée industrielle ; assurez par la guerre le gouvernement de la démocratie en Europe, en attendant que vous puissiez refaire l’économie des sociétés. Vous êtes hommes politiques, dites-vous ; vous ne voulez point être socialistes ; prenez une initiative politique, si vous n’osez prendre encore une initiative sociale.

La guerre, en un mot, comme moyen d’échapper provisoirement à la question du travail : voilà quelle était, au 15 mai, la politique de la fraction avancée du parti républicain.

Le moment avait été admirablement choisi. L’ordre du jour appelait les interpellations du citoyen d’Aragon au sujet de la Pologne : on eût dit que les orateurs de l’As-