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Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/124

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constituée sur la nation de prendre l’initiative des réformes et de diriger le mouvement, je dis que les événements qui devaient s’en déduire, quels qu’ils fussent, heureux ou malheureux, ne pouvaient être que l’expression de la lutte qui s’engagerait fatalement entre la tradition et la Révolution.

Tous les incidents auxquels nous avons assisté depuis février tirent leur signification de cette double donnée. D’un côté, une révolution économique et sociale, qui vient, si j’ose ainsi dire, à heure militaire, s’imposer à la suite de vingt révolutions antérieures, politiques, philosophiques, religieuses ; de l’autre, la foi au pouvoir, qui dénature à l’instant cette Révolution, en la présentant sous une physionomie antilibérale et absurde. Encore une fois, la Révolution de février pouvait avoir une autre péripétie, d’autres acteurs, des rôles ou des motifs différents. Le spectacle, au lieu d’être une tragédie, pouvait n’être qu’un mélodrame : le sens, la moralité de la pièce restait le même.

D’après cette conception philosophique de l’histoire, les faits généraux se classent, s’engendrent l’un l’autre avec une rigueur de déduction que rien dans les sciences positives ne surpasse ; et comme il est possible à la raison d’en donner la philosophie, il est possible à la prudence humaine d’en diriger le cours. Dans la théorie providentielle, au contraire, l’histoire n’est plus qu’un imbroglio romanesque, sans principe, sans raison, sans but ; un argument pour la superstition comme pour l’athéisme, le scandale de l’esprit et de la conscience.

Ce qui entretient la foi à la Providence est la confusion involontaire des lois de la société avec les accidents qui en forment la mise en scène. Le vulgaire, apercevant une certaine logique dans les faits généraux, et rapportant à la même source les faits de détail, dont il ne découvre ni le but ni la nécessité, puisqu’en effet cette nécessité n’existe