Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vernement. Et puis je vous l’ai dit, tout le monde le sait, je n’ai point d’argent.

C’est à l’État de donner crédit y non de le recevoir ! on nous l’a dit, et nous ne l’avons point oublié. Créez un papier-monnaie ; nous l’acceptons d’avance et le ferons recevoir aux autres.

— Cours forcé ! assignats ! répondait avec désespoir le gouvernement. Je puis bien forcer le paiement, mais je ne puis forcer la vente ; votre papier-monnaie tombera en trois mois sous la dépréciation, et votre misère sera pire.

— La Révolution de Février ne signifie donc rien ! se dirent avec inquiétude les ouvriers. Faut-il que nous mourrions encore pour l’avoir faite ?

Le Gouvernement provisoire, ne pouvant ni organiser le travail, ni donner crédit, du reste routinier comme tous les gouvernements, avait espéré qu’avec du temps et de l’ordre il ramènerait la confiance, que le travail se rétablirait de lui-même ; qu’il suffirait en attendant d’offrir aux masses ouvrières, qu’on ne pouvait abandonner à leur détresse, une subvention alimentaire.

Telle fut la pensée des ateliers nationaux, pensée toute d’humanité et de bon désir, mais éclatant aveu d’impuissance. Il eût été pénible, dangereux peut-être, de dire brusquement à ces hommes qui avaient cru un moment à leur prochaine émancipation, de retourner à leurs ateliers, de solliciter de nouveau la bienveillance de leurs patrons : cela eût été pris pour une trahison envers le peuple, et jusqu’au 15 mai, s’il n’était pas gouvernement, le peuple était roi. Mais d’un autre côté le Gouvernement provisoire s’était bientôt aperçu qu’une rénovation économique, telle qu’il l’eût fallu pour donner satisfaction au peuple, n’était point affaire d’État. Il avait éprouvé que la nation répugnait à cette méthode révolutionnaire ; il sentait de plus en plus que ce qu’on lui avait proposé sous le nom d’organisation du