Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/165

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défends à tous cafards, papistes et néo-chrétiens, à peine de représailles. Nous sommes plus forts que vous, messieurs : prenez-y garde !

J’avais publié, dès 1846, la partie antinomique de ce système ; je travaillais à la synthèse, quand la Révolution de février éclata. Je n’eus garde, on l’imagine de reste, de me jeter dans ce gâchis politico-socialiste où M. de Lamartine traduisait en prose poétique les lieux communs de la diplomatie ; où l’on parlait de mettre en associations et en régies successivement tout le commerce, toute l’industrie, et bientôt toute l’agriculture ; de racheter toutes les propriétés, et de les exploiter administrativement ; de centraliser capitaux et capacités entre les mains de l’État ; puis de porter aux peuples de l’Europe, à la tête de nos triomphantes armées, ce régime gouvernemental. Je crus plus utile de poursuivre dans la retraite mes laborieuses études, covaincu que c’était le seul moyen que j’eusse de servir la Révolution, et bien sûr que ni le Gouvernement provisoire, ni les néo-jacobins ne me devanceraient.

Les deux premières livraisons de ce nouveau travail parurent vers la fin de mars. Elle furent à peine remarquées des démocrates. J’étais peu connu, et mon début devait médiocrement leur plaire. Pouvaient-ils s’intéresser à une brochure dont l’auteur se croyait obligé de démontrer, par les plus hautes considérations du droit public et de l’histoire, la légitimité de la Révolution, et puis conseillait au pouvoir de s’abstenir de toute initiative réformatrice ? À quoi bon ! pensaient-ils, soulever une pareille controverse ? La démocratie n’est-elle pas souveraine ? Le Gouvernement provisoire, ne se fait-il pas obéir ? Faut-il tant de raisonnements pour convaincre ceux que le fait accompli tient subjugués ! La République est comme le soleil : aveugle qui la nie !

Eh bien ! qu’en disent aujourd’hui les puissants d’alors ? Est-il clair à présent que la souveraineté du peuple, seule