Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/191

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mai, de sa seule autorité, la dissolution de l’Assemblée nationale. En avais-je le droit ? Est-il de ces instants, dans la vie d’un peuple, où un citoyen puisse légitimement penser et agir pour tous, disposer souverainement de leur conscience et de leur raison ? Je ne puis l’admettre ; et je porterais contre moi-même une condamnation irrémissible, si je croyais que je fusse tout à fait libre, lorsqu’à la même tribune où Huber avait prononcé, mais sans succès, la dissolution de l’Assemblée, je prononçais, avec une certitude absolue, la dissolution de la société. Mon excuse est dans cette réponse que je fis sans réflexion à l’un de mes interrupteurs : Quand je dis nous, je m’identifie avec le prolétariat, et quand je dis vous, je vous identifie avec la classe bourgeoise. Ce n’était plus moi qui parlais à la tribune, c’étaient tous les travailleurs.

Quoi qu’il en soit, dans le courant d’août 1848 , arriva la demande d’autorisation de poursuites contre Louis Blanc et Caussidière. Paris était en état de siége, les conseils de guerre procédaient au jugement sommaire de 14,000 inculpés. Des milliers de familles partaient pour l’Algérie ; on les envoyait, poussées par la détresse, ignorantes du climat, engraisser pour de futurs possesseurs le sol africain de leurs corps. Mais ce n’était point assez : il fallait atteindre la démocratie socialiste dans ses représentants ; la justice rétroactive des doctrinaires commença. Louis Blanc et Caussidière, accusés d’avoir pris part à l’attentat du 15 mai, plus, d’avoir préparé les journées de juin, furent livrés au parquet. Le général Cavaignac se fit gratuitement le ministre de ces rancunes, et présenta lui-même la demande d’autorisation. On me réservait quelque chose de pis. Les charges n’ayant point paru suffisantes pour m’englober dans le procès, la commission d’enquête essaya de me tuer par la diffamation. Quentin Bauchart me représenta, dans son rapport, admirant froidement, le 26 juin, sur la place