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Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/210

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Telle est donc la donnée sur laquelle la société, ignorante de la constitution qui lui est propre, a cherché jusqu’ici à créer en elle-même et à maintenir l’ordre :

D’abord, une centralisation de toutes ses forces, matérielles et morales, politiques et économiques, en un mot, une royauté, un gouvernement ;

En second lieu, et pour échapper aux inconvénients de cet absolutisme, une dualité ou pluralité centrale, c’est-à-dire la séparation et l’opposition des pouvoirs.

Ce dernier point obtenu, la question n’a plus été, pour les théoriciens politiques, que de constituer les pouvoirs séparés de telle sorte qu’ils ne pussent jamais ni se coaliser ni entrer en conflit, et que la société fût aidée non refoulée par eux dans la manifestation de ses volontés et le développement de ses intérêts.

C’est ce triple problème que toutes les constitutions anciennes et modernes ont eu la prétention de résoudre, et dans lequel toutes ont rencontré leur pierre d’achoppement. La Constitution de 1848 y a succombé comme les autres.

La Constitution de 1848, imitation de la Charte de 1830, socialiste pour le fond, est politique ou à bascule dans la forme. Par son côté socialiste, elle promet l’instruction, le crédit, le travail, l’assistance ; elle crée le suffrage universel, et se soumet au progrès : ce sont là autant de principes nouveaux que ne reconnaissaient pas les anciens législateurs, et que l’Assemblée constituante a ajoutés au Credo. — Par sa forme politique, elle a pour objet en garantissant l’exercice des droits anciens, de maintenir l’ordre et la paix.

Or, de même que ses devancières, la Constitution de 1848 est impuissante à tenir aucune de ses promesses, politiques et sociales ; et, si le peuple devait la prendre trop au sérieux, j’ose dire que le gouvernement se trouverait chaque jour placé dans l’alternative d’un 24 février ou d’un 26 juin.