Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/247

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Voilà, en mon âme et conscience, comment j’ai toujours entendu le socialisme. Voilà ce qui m’a surtout éloigné des autres écoles, ce que je voulais avant février, ce que mes amis et moi nous avons essayé de réaliser après. Hormis ma proposition du 31 juillet, dont l’unique but était d’inviter l’État à donner la notoriété nécessaire aux nouveaux principes de l’économie sociale, par l’établissement d’une taxe mutuelle, je n’ai jamais proposé à l’État de faire quoi que ce fût ; je n’ai porté à la tribune aucune espèce de projet. Tant que j’ai eu l’honneur de représenter le peuple, j’ai laissé dormir mon initiative parlementaire : mon silence a été l’acte le plus utile et le plus intelligent de ma carrière politique. Mes votes ont été presque toujours négatifs. Il s’agissait, la plupart du temps, d’empêcher les utopies ou le mauvais vouloir de la majorité de se produire : j’aurais voté avec la même résolution contre les utopies de la minorité.

La Banque du peuple fut, de la part des citoyens qui se ralliaient alors aux idées émises par le Peuple, l’effet de cet esprit d’entreprise, si naturel à notre pays, mais que notre manie de gouvernement tend à rendre toujours plus rare. Après le vote de la Constitution et l’élection de Louis Bonaparte, la nécessité d’agir nous parut impérieuse. Le gouvernement modéré du général Cavaignac, celui plus réactionnaire de Louis Bonaparte, ne laissaient guère d’espoir aux écoles ; quant à la Montagne, ses différents programmes sont là pour prouver qu’en dehors de l’action populaire, elle eût été comme le parti conservateur, complètement stérile. Il y avait charlatanisme et lâcheté, selon nous, à parler éternellement socialisme, sans rien entreprendre de socialiste.

Autant la nécessité était pressante, autant l’occasion se présentait d’ailleurs favorable. Bien que la ferveur ne fût plus la même qu’à l’époque des manifestations du Luxem-