pour nos représentants, chargés par nous de faire une Constitution républicaine, nous devions, ce semble, choisir pour Président de la République un républicain. Et si les grandes individualités manquaient, les notabilités significatives ne faisaient pas défaut. Cavaignac était la république modérée : n’avait-il pas tout fait pour elle ? Ledru-Rollin, la république rouge ; Bugeaud, Changarnier, la république militaire. Nous connaissions ces gens-là : une fois à la présidence, ils ne nous pouvaient donner d’inquiétudes. Et voilà que, sans motif plausible, sans respect de notre dignité, uniquement pour bafouer ceux qui avaient fondé et servi la République, nous donnions la palme à une candidature dynastique, fantastique, mystique !...
Plus je cherchais, plus je désespérais.
Le pouvoir présidentiel, d’après la Constitution, doit durer quatre ans ; le président sortant ne peut être réélu qu’au bout de quatre autres années. Cette disposition, qui ne laisse aucune place aux appétences monarchiques, commandait de choisir un citoyen dont toute l’ambition fût d’avoir été pendant quatre ans, avec dévouement et patriotisme, le premier parmi ses concitoyens, et d’avoir inscrit avec honneur son nom aux annales de notre histoire. Mais nous, comme pour braver la fortune, nous choisissions un homme de race, un prétendant, disait-on, un prince ! Déjà même on assurait que l’on n’attendrait pas l’expiration des quatre années pour réviser la Constitution et proroger les pouvoirs de Louis Bonaparte. Par là, on rapprochait l’autorité présidentielle de l’autorité royale, on ménageait la transition, on préparait la voie à une restauration. Le tout, ajoutait-on, par amour de la légalité et respect de la Constitution. Ô doctrinaires ! plus couards que jésuites ! déchirez-la donc tout de suite cette Constitution ! N’êtes-vous pas les plus forts ? L’appel au peuple contre la Constitution ne vaut-il pas aujourd’hui ce qu’il vaudra dans quatre ans ?