Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/274

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République, parce qu’elle est fatiguée des partis, parce que tous les partis sont morts, parce qu’avec les partis le pouvoir lui-même est mort, et qu’il n’y a plus qu’à l’enterrer. Car, ainsi que nous l’avons vu dans tout le cours de ce récit, le pouvoir et les partis sont l’un à l’autre effet et cause : ôtez ceux-ci, vous détruisez celui-là, et réciproquement.

L’élection de Louis Bonaparte a été le suicide des partis qui ont concouru à son triomphe, partant le dernier soupir de la France gouvernementale. On dit que les dernières paroles du grand empereur, à son lit de mort, furent : Tête !... Armée !... Les dernières paroles de notre société politique, au scrutin du 10 décembre, ont été ces quatre noms : Napoléon, Robespierre, Louis XIV, Grégoire VII !

Adieu, pape !

Adieu, roi !

Adieu, dictateur !

Adieu, empereur !

Désormais, il n’y aura plus d’autorité, ni temporelle, ni spirituelle, ni révolutionnaire, ni légitime, sur mes enfants. Va, Bonaparte, remplis ta tâche avec intelligence, et, s’il se peut, avec plus d’honneur encore que Louis-Philippe. Tu seras le dernier des gouvernants de la France ![1]

  1. Dans l’Idée générale de la Révolution au xixe siècle, je dis : « La France a élu Louis-Napoléon Bonaparte, parce que l’empereur est pour elle la Révolution, et qu’elle est avant tout révolutionnaire. » C’est la même pensée que celle exprimée dans les Confessions. Aucun des partis existants au xixe siècle, pas même celui qui invoquait la tradition jacobine, n’était révolutionnaire : ils l’ont montré. Or, la Révolution, on sait aujourd’hui ce qu’elle est : le travail à l’ouvrier, la terre au paysan, l’indépendance aux citoyens, aux communes, aux départements ; l’égalité sociale, et la propagande, armée s’il le faut, au dehors.
    …...Louis Bonaparte pouvait remplir son rôle de deux manières, soit en prenant la tête de la Révolution, soit en faisant, de connivence avec les royalistes et les jésuites, obstacle au progrès. Il a préféré ce dernier parti, qui a perdu son oncle, et qui le perd lui-même, sans faire reculer la Révolution d’une semelle. En revanche, les partis se convertissent : tandis que le jacobinisme se fait anti-gouvernemental, la légitimité jure par 89. Brudimini !...