Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/283

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que l’étincelle jaillit du choc du caillou contre l’acier. Ajoutez que Louis Bonaparte, philosophe médiocre, ce dont assurément je ne lui fais pas un crime, avait pour conseillers des jésuites et des doctrinaires, les pires logiciens, les plus détestables politiques qu’il y ait au monde ; que de plus il se trouvait, par l’injustice de sa position, personnellement responsable d’une politique dont il n’avait à signer que les actes ; responsable des conflits constitutionnels, dont on le faisait le boute-en-train ; responsable de la sottise et des mauvaises passions des conseillers que la coalition de ses électeurs lui imposait !

Quand je songe à la misère de ce chef d’État, je suis tenté de pleurer sur lui, et je bénis ma prison. Jamais homme fut-il plus affreusement sacrifié ? Le vulgaire s’est émerveillé de cette élévation inouïe : je n’y vois que le châtiment posthume d’une ambition au tombeau, que la justice sociale poursuit encore, mais que le peuple, de courte mémoire, a déjà oubliée. Comme si le neveu devait porter les iniquités de l’oncle, Louis Bonaparte, j’en ai peur, ne sera qu’un martyr de plus du fanatisme gouvernemental : il suivra dans leur chute les monarques ses devanciers, ou bien il ira rejoindre dans leur infortune les démocrates qui lui frayèrent la route, Louis Blanc et Ledru-Rollin, Blanqui et Barbès. Car, ni plus ni moins qu’eux tous il représente le principe d’autorité ; et, soit que par son initiative il veuille précipiter, soit qu’il essaye de refouler la révolution, il succombera à la tâche, il périra. Triste victime ! quand tout en me réjouissant de tes efforts, j’aurais dû te plaindre, t’excuser, te défendre peut-être, je n’ai eu pour toi qu’injure et sarcasme : j’ai été méchant.

Si j’avais la moindre foi aux vocations surnaturelles, je dirais que de deux choses l’une : Louis Bonaparte a été appelé à la présidence de la République pour racheter le peuple français de l’esclavage du pouvoir, restauré et con-