Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/305

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à s’user : comme une paire de meules qui, tournant l’une sur l’autre, se réduiraient bientôt en poussière si la violence du tourbillon ne les faisait auparavant voler en éclats. Sept fois au moins depuis soixante ans nous avons vu tantôt le pouvoir exécutif expulser le législatif, tantôt le législatif destituer l’exécutif. Il semblait après Février que l’expérience dût paraître suffisante, et que l’on n’eût rien de mieux à faire à l’avenir que de renoncer à ce mécanisme. Mais, pour la grande majorité des esprits, la question était encore douteuse. Il fallait un dernier essai, qui, résumant toutes les expériences antérieures, pût se réduire en une formule simple, capable de se graver, comme un aphorisme, dans la mémoire du peuple.

Or, voici cette formule :

Majeure. — Ou le despotisme, ou le dualisme.

Mineure. — Or, le despotisme est impossible, le dualisme encore impossible.

Conclusion. — Donc le gouvernement est impossible.

La proposition Râteau et la journée du 29 janvier ne sont pas autre chose que la mise en scène de ce syllogisme.

En demandant à l’Assemblée Constituante de se retirer devant le Président, M. Barrot et ses amis signalaient à tous les yeux l’antagonisme constitutionnel. C’était comme s’ils eussent dit au Peuple : Oui, la séparation des pouvoirs est la première condition d’un gouvernement libre. Mais cette séparation ne doit pas se prendre à la rigueur ; il faut que l’un des deux pouvoirs se subordonne à l’autre, sans quoi ils se dévoreront tous deux. C’est pour cela que nous demandons que la Constituante résigne ses Pouvoirs, et fasse place à une Législative mieux disposée à suivre les inspirations du Président.

Sous la Charte, qui, de même que la Constitution de 1848, posait en principe la séparation des pouvoirs, il était admis et passé en coutume, que le Roi devait choisir ses