Ainsi la cause du gouvernement et celle du pape se déclaraient solidaires. Au point de vue de la conservation du pouvoir, l’intervention de Louis Bonaparte dans les affaires de l’Église était logique, elle était une nécessité. Que dis-je, c’était une amende honorable au pape de toutes les révoltes et profanations commises depuis plus de mille ans contre son autorité, par les rois, ses enfants rebelles. En rétablissant le pouvoir temporel du pape, sans lequel le spirituel n’est qu’un pouvoir de raison, comme l’âme sans le corps n’est qu’une abstraction, une ombre, disaient les anciens, le gouvernement de la République française espérait se consolider lui-même ; en attaquant la Montagne à Rome, la réaction absolutiste triomphait de la Montagne à Paris. Donc, encore une fois, ou l’intervention ou la mort, je veux dire la mort spirituelle, en attendant la mort physique : telle était, pour le gouvernement de Louis Bonaparte, la question, parfaitement comprise du reste par les socialistes et les jésuites.
Toutefois, et c’est ici qu’apparaît le caractère équivoque qu’on a tant reproché aux promoteurs de l’intervention, le gouvernement de Louis Bonaparte, composé en majorité d’anciens libéraux, ne pouvait, sans mentir à ses antécédents constitutionnels et à ses traditions de libéralisme, sans froisser le sentiment démocratique et philosophiste du pays, prendre d’une manière absolue la défense du pape. Les faits accomplis depuis des siècles, et définitivement acquis à l’histoire ; nos principes de droit public, nos mœurs gallicanes, notre indifférence endémique en matière de religion, notre athéisme légal, tout faisait au pouvoir une nécessité de n’agir qu’avec mesure, et chose singulière, tandis qu’il intervenait en faveur de l’absolutisme, de se porter encore garant de la liberté. La contradiction le suivait partout. Si le gouvernement, disait M. Odilon Barrot, prend fait et cause pour la papauté contre la démagogie transtéverine, c’est bien moins encore pour rétablir le souverain pontife dans