Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/317

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leurs amis de Dieu, maintenant déclarés anathèmes, tandis que la richesse incrédule et libertine était caressée et applaudie ; le gouvernement d’une république, enfin, poignardant de sangfroid, au signal de la Congrégation, une autre république, et cela parce qu’il est gouvernement, et que suivant la théorie ultramontaine, tout gouvernement qui ne relève pas de la papauté est une institution usurpatrice, un fait illégitime.

La presse démocratique rivalisa donc avec les organes du jésuitisme d’ardeur désorganisatrice. Le Peuple, jusqu’à son dernier jour, sonna héroïquement la charge contre la papauté homicide. La propagande atteignit jusqu’aux paysans, aux domestiques, aux soldats. Je n’ai jamais eu grande foi à la vertu républicaine du sabre ; j’ai toujours cru la baïonnette plus brutale qu’intelligente, et j’avais de bonnes raisons de regarder le corps des officiers comme moins sensible à l’honneur du pays et au succès de la révolution qu’au respect de ce qu’ils nomment discipline. La question idéologico-politique de la guerre de Rome n’en fut pas moins portée à la connaissance de l’armée, discutée par chaque soldat, devenu, par son droit d’électeur, le juge du gouvernement. Le succès dépassa toutes les prévisions : le pouvoir trembla. Encore quelques mois de cette propagande, et nous eussions amené les régiments, non pas sans doute à quitter leurs drapeaux et à se révolter contre leurs chefs, mais à prendre eux-mêmes l’initiative d’une manifestation dont les suites eussent été alors tout autres que celles du 13 juin.

De tels combats, pour les hommes d’idées, les seuls vrais révolutionnaires, sont bien autrement grandioses que les batailles où tonne le canon, où le fer et le plomb ne menacent que la partie charnelle de l’homme. Soixante années de révolution n’avaient pu déraciner en France le respect de l’autorité : et nous, journalistes, nous pouvons le dire avec orgueil, en une campagne nous avons vaincu la papauté et