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Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/326

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Or, qu’avait à redouter la propriété, en 93, de la dictature de la Convention ? Rien, absolument rien. Il y eut des nobles expropriés, ruinés, je le veux : c’était pour cause politique, non pour raison économique. Ils furent frappés comme nobles, comme aristocrates, comme émigrés, etc., jamais comme propriétaires. Des réquisitions furent établies, suivant le principe de l’impôt progressif, je le sais encore : mais ces réquisitions étaient annoncées par ceux mêmes qui les établissaient comme temporaires et exceptionnelles ; elles n’avaient rien de systématique. C’étaient des lois, non pas organiques, comme le projet de M. Passy et celui de M. Goudchaux, mais de salut public. Considérées dans leur résultat, elles étaient la prime d’assurance payée, une fois pour toutes, à la Révolution par la propriété.

La dictature fut donc faite, en 93, non point contre la propriété, mais pour la propriété. C’était si bien la propriété que la convention et les jacobins entendaient défendre, que les socialistes de l’époque, qu’on nomme les enragés, furent livrés à la guillotine, et que la terreur des questions sociales fut plus grande de 92 à 94, que celle de la contre-révolution. Ce qui tombait sous le coup de cette dictature n’était point la société, vivante alors dans le tiers état ; c’était la caste qui, par le progrès du temps, s’était mise elle-même hors de la société. Et c’est encore ainsi que les Romains avaient conçu la dictature : chez eux elle apparaissait de temps à autre, non pour réformer les institutions, mais pour repousser l’ennemi.

Ici je ne puis me défendre d’un rapprochement pénible.

Une question sociale, sous le nom de loi agraire, avait été posée par les Gracques. Or, pendant vingt ans que dura l’opposition des deux frères, on les vit procéder constamment par les voies légales : jamais ils ne réclamèrent le bénéfice d’une dictature. Il ne s’agissait pourtant pas, comme aujourd’hui, de modifier la propriété romaine : il n’était