Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la liberté, que l’anachorète qui prie ou le philosophe qui argumente.

Ironie, vraie liberté ! c’est toi qui me délivres de l’ambition du pouvoir, de la servitude des partis, du respect de la routine, du pédantisme de la science, de l’admiration des grands personnages, des mystifications de la politique, du fanatisme des réformateurs, de la superstition de ce grand univers et de l’adoration de moi-même. Tu te révélas jadis au Sage sur le trône, quand il s’écria à la vue de ce monde où il figurait comme un demi-dieu : Vanité des vanités ! Tu fus le démon familier du Philosophe quand il démasqua du même coup et le dogmatiste et le sophiste, et l’hypocrite et l’athée, et l’épicurien et le cynique. Tu consolas le Juste expirant, quand il pria sur la croix pour ses bourreaux : Pardonnez-leur, ô mon Père, car ils ne savent ce qu’ils font !

Douce Ironie ! toi seule est pure, chaste et discrète. Tu donnes la grâce à la beauté et l’assaisonnement à l’amour ; tu inspires la charité par la tolérance ; tu dissipes le préjugé homicide ; tu enseignes la modestie à la femme, l’audace au guerrier, la prudence à l’homme d’État. Tu apaises, par ton sourire, les dissensions et les guerres civiles ; tu fais la paix entre les frères, tu procures la guérison au fanatique et au sectaire. Tu es maîtresse de Vérité, tu sers de providence au Génie, et la Vertu, ô déesse, c’est encore toi.

Viens, souveraine : verse sur mes citoyens un rayon de ta lumière ; allume dans leur âme une étincelle de ton esprit : afin que ma confession les réconcilie, et que cette inévitable révolution s’accomplisse dans la sérénité et dans la joie.

Sainte-Pélagie, octobre 1849.