Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/61

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pour longtemps. Disons-le, on a été injuste envers les révolutionnaires de 1830. En coupant du même coup dans leur racine le catholicisme et la monarchie, ils ont fait les deux tiers de la besogne : nous, leurs successeurs, nous n’avons eu d’autre peine que de tirer de ces prémisses la conséquence légitime.

Les réformateurs de 1830 ne s’arrêtèrent que devant le capital. C’était le capital qu’ils avaient adoré, en maintenant le cens à 200 fr., le capital qu’ils avaient fait dieu et gouvernement. Devant cette nouvelle puissance, s’inclinaient le roi, la noblesse, le clergé, le peuple. Ôtez la hiérarchie capitaliste, tous devenaient égaux et frères. À la foi monarchique, à l’autorité de l’Église, on avait substitué le culte des intérêts, la religion de la propriété. Quoi de plus rassurant, pensait-on, de plus inviolable ? Malgré l’excommunication et le bûcher, la philosophie avait prévalu contre le catholicisme ; malgré les lits de justice et les bastilles, la souveraineté du peuple avait prévalu contre la prérogative royale ; il avait fallu prendre son parti de tous ces changements et s’accommoder aux nouvelles mœurs. Mais qui pourrait prévaloir contre la propriété ? L’établissement de Juillet, disait-on, est immortel : 1830 a fermé l’ère des révolutions.

Ainsi raisonnaient les doctrinaires : révolutionnaires ardents contre l’autel et contre le trône, absolutistes impitoyables dès qu’il s’agit du monopole.


V.


1830 — 1848 :


CORRUPTION GOUVERNEMENTALE.


Le gouvernement de Louis-Philippe est l’un des plus curieux épisodes de cette longue période historique, où l’on