Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/84

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des parquets. Il plaît à la haute police de convertir un restaurant en souricière ; deux cents citoyens réunis pour dîner sont enlevés à leurs femmes et à leurs enfants, frappés, jetés en prison, accusés de complot, puis relâchés, après que le juge d’instruction, qui ne sait lui-même de quoi la police les accuse, s’est longuement convaincu qu’il n’existe contre eux aucune charge.

Il fallait désarmer le pouvoir, licencier la moitié de l’armée, abolir la conscription, organiser une landsturm, éloigner les troupes de la capitale, déclarer que le pouvoir exécutif ne pouvait, en aucun cas, et sous aucun prétexte, dissoudre et désarmer la garde nationale. — Au lieu de cela, on s’occupa de la formation de ces vingt-quatre bataillons de mobiles, dont on nous enseigna plus tard, en juin, l’utilité et le patriotisme. Comme on se méfiait de la garde nationale, on était loin de la déclarer inviolable : aussi les gouvernements héritiers du provisoire ne se font-ils faute de la dissoudre.

Il fallait assurer la liberté de réunion, d’abord en abrogeant la loi de 1790 et toutes celles qui pouvaient prêter à l’équivoque, puis en organisant les clubs autour des représentants du peuple, et les faisant entrer dans la vie parlementaire. L’organisation des sociétés populaires était le pivot de la démocratie, la pierre angulaire de l’ordre républicain. En place d’organisation, le Gouvernement provisoire n’eut à offrir aux clubs que la tolérance et l’espionnage, en attendant que l’indifférence publique et la réaction les fissent éteindre.

Il fallait arracher les ongles et les dents au pouvoir, transporter la force publique du gouvernement aux citoyens, non-seulement afin que le gouvernement ne pût rien entreprendre contre la liberté, mais encore afin d’arracher aux utopies gouvernementales leur dernière espérance. Le 16 avril, le 15 mai, n’ont-ils pas prouvé la puissance du