Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/128

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Lorsque le vendeur et l’acheteur ont à la négociation un intérêt égal, le change est au pair.

Mais il n’en est pas toujours ainsi.

La Nouvelle-Orléans expédie à Rouen pour 10 millions de cotons ; Lyon vend à New-York 8 millions de soieries. Le négociant lyonnais reçoit en payement du papier sur Rouen ; celui de la Nouvelle-Orléans reçoit le sien sur New-York. Si ces villes n’échangeaient qu’entre elles, il faudrait transporter l’appoint de 2 millions de Rouen à la Nouvelle-Orléans afin de parfaire les comptes.

Le commerce a sans doute des ressources plus expéditives ; les relations que nous avons supposées entre quatre places ne sont nulle part circonscrites dans un cercle aussi restreint. Chaque centre d’affaires est en correspondance avec les principaux marchés du monde. Seulement, entre deux endroits il peut y avoir inégalité de créances, comme dans l’exemple ci-dessus, et alors le papier sur telle place est plus ou moins demandé, plus ou moins cher. D’où une différence dans le prix du change.

Le change d’un lieu sur un autre est bas, lorsque ce lieu est large de l’argent de l’autre, c’est-à-dire lorsqu’il a plus à payer qu’à recevoir. Il est haut dans le cas inverse, quand il a plus à recevoir qu’à payer. La France doit 10 millions à l’Amérique, qui ne lui en doit que 8 : le change est bas pour nous et haut pour les Américains. En d’autres termes, l’Américain achètera le papier sur la France au-dessous de sa valeur, puisqu’il est abondant ; le Français payera le papier sur l’Amérique au-dessus de son titre nominal, parce qu’il est rare.

L’abondance, la rareté sont donc pour les effets de commerce, de même que pour les produits, des causes de hausse ou de baisse, de cherté ou de bon marché.

Ces négociations sortent, comme on voit, du domaine de la spéculation ; elles appartiennent essentiellement au commerce et à la banque. Comment se trouvent-elles entre les mains des agents de change ? Nous l’avons dit : la Bourse est le marché aux capitaux condensés sous forme de titres, et la loi n’accorde qu’aux agents de change le droit d’y servir