le sache, c’est la mutualité universelle. En droit et aux termes du Code, le malheureux ministre était coupable ; en fait, et d’après les us et coutumes, plus ou moins avoués et officiels, de tous les gouvernements, il pouvait se dire sans reproche. La bourgeoisie doit réparation à sa mémoire.
Si donc il est absurde que sous un régime de concession, de spéculation, de guerre financière et industrielle, un bourgeois n’arrive aux affaires que pour s’exclure, qui osera dire que ce même bourgeois, devenu ministre, doive laisser périr sa fortune, engagée dans la circulation générale, plutôt que de la retirer à propos ; que s’il lui est permis de réaliser sans bénéfice, et pour éviter un désastre facilement prévu, il lui sera interdit d’opérer avec bénéfice, et pour réparer une ruine ?…
Tout cela se tient et s’enchaîne. Il n’y a pas de limite posée entre le droit et le non-droit ; et si une loi d’envie se montre à la traverse et oppose son veto, la logique, disons même l’équité, proteste contre elle.
Mais il n’est pas donné à tout le monde d’être ministre, de vendre des concessions ou de spéculer avec les secrets de l’État. Aussi les habiles ont-ils su trouver des combinaisons de sociétés, des cumuls d’attributions, des agences de publicité non moins productives qu’une position officielle aux mains d’un fonctionnaire malversateur.
« Le Crédit mobilier, dit Me Berryer dans le procès Goupy, est la plus grande maison de jeu qui ait jamais existé dans le monde. Il ne faut pas se payer de vains mots, il y en a de magnifiques, je le sais : la protection de l’industrie, l’affranchissement du crédit de l’État, le développement du crédit particulier, la consolidation de toutes les valeurs industrielles, c’est-à-dire un rêve. Tout cela c’est l’apparence : ils ont donné au jeu un nom nouveau, ils l’appellent dans leurs rapports l’industrie du crédit.
« La Société du crédit mobilier avait annoncé déjà, dans un de ses rapports, l’insuffisance, pour les immenses opérations auxquelles elle se livre, de son capital de 60 millions. Le succès prodigieux qu’elle avait obtenu, je n’examine pas comment, nécessitait un accroissement de capital. Au mois d’août 1855, on commence à annoncer que le dividende pour l’année de ces actions, au capital de 500 fr., sera de 200 fr. au moins. Cette annonce anti-