Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/173

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tion, et tout le pathos qu’on peut faire à cette occasion. Peu s’en faut que les imbéciles et les niais ne se croient obligés d’élever des statues à ces bienfaiteurs du pays, qui consacrent à son service leur temps et leur argent, ne se réservant d’autres avantages que ceux qu’ils offrent à tout souscripteur d’action.

« Hypocrisie ! Le traité avec l’entrepreneur ou les entrepreneurs est le Pactole où vont se désaltérer les fondateurs-organisateurs ; tout épuisés de leurs patriotiques efforts, de leur bienfaisance sans bornes, de leur désintéressement à toute épreuve.

« La remise faite par l’entrepreneur général aux fondateurs va ordinairement à dix pour cent du capital à dépenser pour l’établissement du chemin. Ainsi, supposons qu’il s’agisse d’une ligne qui doive coûter 60 millions, c’est une somme de 6 millions que l’entrepreneur met à la disposition des fondateurs, et qu’ils ont à se partager entre eux, après s’être tenu mutuellement compte des dépenses et avances de toutes sortes qu’ils ont dû faire jusque-là pour mener à bien l’entreprise.

« Dans ce système le bénéfice des fondateurs est certain, chiffré d’avance, connu et réalisé, avant qu’il soit possible de déterminer par expérience la valeur vraie de l’affaire par le montant de ses produits. »

Si l’assertion de l’auteur est exacte quant au dix pour cent, sur une somme de 3 milliards engagée dans les chemins de fer français par les compagnies et par l’État, le pot-de-vin partagé entre les fondateurs, une centaine d’individus au plus, serait de 300 millions. Qu’en pensent les actionnaires ? — Rien, sinon qu’ils voudraient bien devenir fondateurs eux-mêmes.

C’est déjà une triste société que celle où le voyageur est forcé de traiter avec les brigands ! Mais croit-on qu’avec le système des coupons de fondation et d’une part dans les bénéfices, ces messieurs renonceraient aux profits des traités d’entrepreneurs ? Souvent les administrateurs font mieux encore : ils se partagent les entreprises de terrassements, de travaux d’art, les fournitures de rails, de traverses, de voitures, de combustible, etc., traitant ainsi avec eux-mêmes des conditions de prix et de qualité.

Et ce qui se passe dans les compagnies de chemins de fer a lieu dans toutes les sociétés anonymes ou en commandite :