Notre amour-propre national se complaît à faire de la France la grande initiatrice des peuples. Après leur avoir porté l’idée et la liberté, leur donnerons-nous aussi la servitude ?
Car il n’y a plus à reculer, il faut que cette situation ait une issue ; et il n’y en a que deux possibles : — ou le triomphe du système, c’est-à-dire l’expropriation en grand du pays, la concentration des capitaux, du travail sous toutes ses formes, l’aliénation de la personnalité, du libre arbitre des citoyens au profit d’une poignée de croupiers insatiables ; — ou la liquidation.
Liquidation ! ce mot, terrible comme le sphinx, parce qu’on ne le comprend pas, qui apparut en 1848 aux bourgeois stupéfaits comme une menace et une vengeance, n’a plus rien qui doive effrayer. La liquidation, ce n’est ni un kilomètre de railway de moins, ni une usine supprimée, ni une machine brisée, ni un muid de blé de perdu, ni une force productive quelconque anéantie. Si les 80 milliards d’opérations qui se font annuellement à la Bourse n’ajoutent pas un centime à l’actif social, l’exécution en masse de cette population parasite ne créera pas non plus un centime de déficit. Les créanciers n’auront englouti dans leurs portefeuilles ni nos forêts, ni nos prairies, ni nos domaines cultivables : les forges, les filatures, les métiers, les denrées agricoles, les produits coloniaux ne se seront point attachés à la semelle de leurs sandales ; ils n’auront point ébréché le capital national, en le déplaçant, l’accaparant, le monopolisant ; en établissant dîmes et corvées sous une forme quintessenciée, et mettant à rançon tout ce qui produit et consomme. Qu’ils partent !… La liquidation, ce sera le retour à l’ordre, une nuit du 4 août. Gloire au travail, paix à ceux qui produisent, union et force entre tous ceux qui échangent : voilà la liquidation. Que si la caste crie encore à la spoliation, au martyre, du moins on ne dira plus que c’est le Juste qui est sacrifié pour le salut du Peuple…