Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/211

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donner une idée de l’énormité de la somme, qu’il ne s’était pas encore écoulé un milliard de minutes depuis la naissance de Jésus-Christ[1].

Ainsi, cette immense période qui embrasse la chute de l’empire romain, l’invasion des barbares, l’établissement du christianisme, la féodalité, la papauté, l’islamisme, les croisades, la réforme, la renaissance, les guerres de religion, l’absolutisme royal, la révolution française, le moyen âge et les temps modernes ; ce gigantesque panorama n’avait pas mis à se dérouler autant de minutes que le peuple français devait rembourser de francs à ses anciens maîtres en un tiers de siècle. Le travail est donc plus puissant que le temps : mais les révolutions sont encore plus puissantes que le travail.

Quoi qu’il en soit, la Chambre adopta le chiffre d’un milliard. Il ne fallait pas songer à payer un tel capital ; on se contenta d’en servir la rente, qu’on inscrivit à 3 0/0, pour 30 millions, au livre de la dette publique[2]. Dans la crainte qu’une trop grande émission simultanée ne dépréciât les titres, les inscriptions ne furent délivrées que par cinquièmes, d’année en année, du 22 juin 1825 au 22 juin 1829. — Au 22 septembre 1858 le milliard aura été intégralement payé, mais la dette ne sera pas éteinte : ce sera l’œuvre de quelque liquidation Ramel, ou d’une nuit du 4 août sur les rentes et dividendes.

Nous avons vu comment la conversion facultative de M. de Villèle fit inscrire au compte du 3 0/0, 24,459,035 fr. de rentes. À la révolution de juillet le chiffre de cette partie de la dette s’élevait à 50,454,345 francs. Mais l’indemnité n’était pas complètement liquidée. Il n’avait encore été délivré que 25,995,310 fr. Le gouvernement de Louis--

  1. On compte l’année de 365 jours 5 heures 48 minutes, soit de 525,948 minutes. Il ne s’était donc écoulé, à la fin de 1825, que 959,855,100 minutes.
  2. L’intérêt de l’indemnité fut fixé à 3 0/0, tandis que celui de la dette antérieure était à 5. Il n’en faudrait pas conclure que les indemnisés fussent lésés par cette différence. Ce qu’ils avaient perdu, c’étaient des biens fonds, et il n’y a guère de terre qui rapporte 3 0/0.