Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/242

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besoin de capital pour exploiter son privilége, c’est-à-dire pour escompter, avec les billets fabriqués par elle, les lettres de change qui lui seraient apportées par le commerce.

« Et un fait bien connu dans l’histoire des banques confirme cette assertion : la banque de Londres s’est formée, en 1692, avec un capital de 24 millions, et son premier acte a été de prêter la totalité de ce capital de 24 millions au trésor royal de Guillaume III, son fondateur. Cette banque n’en a pas plus mal exploité son privilége d’escompte dès la première année de son activité.

« L’escompte, tel que le pratique une banque sur toute la matière escomptable du lieu, est une opération si délicate et si capitale, cette opération exige tant d’attention, tant de soins, tant de prévoyance, une observation si minutieuse des combinaisons employées par chaque commerçant, des approvisionnements et des besoins de chaque lieu, des circonstances qui peuvent influer chaque jour sur le plus ou moins de crédit de chaque signataire de lettres de change, que cette opération n’admet le mélange d’aucune autre sollicitude ; ceux qui dirigent les escomptes sont les juges du commerce, ils ne doivent pas descendre dans l’arène des commerçants.

« Pour qu’ils jugent avec impartialité tous les actes des négociants, il faut qu’ils puissent s’abstenir d’y prendre une part active, même pour l’administration du capital de la Banque, et rien n’est plus inconciliable avec le haut arbitrage qu’ils exercent par l’escompte que cette recherche des profits qui accompagnent les placements temporaires.

« Si donc il a pu convenir aux finances de Guillaume III que la banque qu’il établissait lui prêtât à un intérêt modique alors (6 0/0) le capital ou le cautionnement fourni par ses actionnaires, il ne convenait pas moins à la Banque de Londres de le faire ; et ce premier acte, par quelque motif qu’il ait été inspiré, a peut-être eu une assez grande influence sur la bonne direction qu’elle a suivie pendant au moins un siècle.

« La banque de Londres, dès son origine, n’a plus connu qu’un seul devoir, qu’un seul intérêt, celui de bien diriger son escompte direct, qu’elle a constamment circonscrit dans la seule ville de Londres, d’autres banques s’étant successivement élevées dans les autres comtés pour l’escompte local de ces comtés.

« Si la Banque de France est appelée à donner une plus grande extension à ses escomptes directs, à établir pour son compte des comptoirs dans toutes les villes de l’empire qui peuvent produire une bonne matière escomptable, c’est assurément un motif de plus