Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/284

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« Systématiquement étrangers à toute pensée de spéculation relative à une mesure dont la réalisation était notre vœu le plus cher, notre préoccupation la plus profonde, nous vîmes avec un vif regret le cours de nos valeurs s’élever brusquement, ne prévoyant que trop la réaction qui pouvait s’ensuivre.

« Mais ce que nous ne pouvions prévoir, Messieurs, ce sont les calomnies dont ces mouvements dans le cours de nos actions ont été le signal et le prétexte. Qu’est-il besoin de le déclarer ? aucune des personnes qui ont l’honneur de diriger vos affaires ne s’est livrée, dans ces circonstances, à des opérations de hausse ou de baisse sur nos valeurs, et nous pouvons, le front levé, rejeter hardiment, sur ceux-là mêmes qui n’ont pas rougi de s’abriter sous de lâches attaques, la responsabilité des spéculations dont on a tenté de faire une arme contre nous. »

La Société générale verra bien d’autres mécomptes. Elle disait, en 1854 :

« Loin de surexciter la spéculation, comme l’ont pu croire ceux qui ont méconnu le principe, la nature et le but de notre institution, le résultat définitif de nos opérations sera d’offrir à toutes les fortunes les moyens et la facilité de réaliser sans péril des placements mobiliers à intérêt fixe. »

Ils n’avaient donc méconnu « ni le principe, ni la nature, ni le but de l’institution, » ceux qui prévoyaient qu’elle aurait pour but de « surexciter l’agiotage, » puisque les déceptions de la spéculation la poussent jusque dans les voies honteuses de la calomnie.

Quoi qu’il en soit, l’émission des obligations a été ajournée, par déférence aux désirs du gouvernement.

Laissons là l’eau bénite de cour des Rapports. Le succès du Crédit mobilier ne repose ni sur des revenus, ni sur des capitaux, mais simplement sur des différences : c’est tout dire.

Comme instrument de circulation et d’agiotage, l’organisation de la Société générale est une conception de maîtres. Elle se sent à la fois et de la nationalité de son auteur, et de l’esprit révolutionnaire de sa jeunesse. Les rois de l’agio, au capital de 10 à 100 millions, peuvent produire aujourd’hui la hausse et la baisse à leur fantaisie ; mais ils deviennent de véritables prolétaires en présence d’une institution disposant de 600 millions, et capable d’accaparer en un jour toutes les