Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/38

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Diverses sociétés se forment pour le percement de puits dans un bassin houiller qu’on sait être fort riche, mais jusqu’à ce moment à peine exploité. Certes, c’est une richesse qu’elles vont mettre au jour, une valeur immense qu’elles vont créer. Pour assurer au public le bénéfice d’une partie de cette richesse, le gouvernement établit certains droits sur l’extraction, tant au profit de l’État qu’en faveur des propriétaires superficiaires ; de plus il défend, à peine de révocation, l’agglomération, soit par vente, soit par fermage, des mines. Mais si le fermage et la vente des concessions minières sont interdits, l’association ne l’est pas. Une grande compagnie charbonnière se forme donc entre les sociétés concurrentes, pour l’exploitation unitaire, la vente et la hausse du prix des houilles ; et il y a tant d’intérêts respectables, politiques, diplomatiques, judiciaires, parlementaires, engagés dans l’association, que le gouvernement n’a jamais su y trouver remède. — Association, réunion, participation, entente, concert ou tout ce qu’on voudra, c’est-à-dire art d’éluder la loi : spéculation !

D’autres compagnies, qui ont obtenu des concessions distinctes de canaux, de chemins de fer, s’entendent, mais cette fois avec approbation du gouvernement, non pas précisément pour améliorer le service des transports ou en diminuer le tarif, mais afin d’en relever et maintenir les prix. Pour plus de sûreté, après avoir fixé l’apport et le revenu de chacune, elles se groupent sous une administration centrale et confondent leurs intérêts. On ne voit pas pourquoi la législation anti-unitaire des mines ne s’appliquerait pas aux chemins de fer, ni ce que le public gagne à cette fusion ; mais il est sûr que le profit des compagnies s’en augmente. — Spéculation !

Une institution de crédit, sous la forme d’une société anonyme, s’établit pour l’achat et la vente des actions industrielles. Les administrateurs de cette société, devenus les patrons obligés de toutes les entreprises, profitent de leur position pour se faire offrir de tous côtés des actions qu’ils reçoivent, comme simples particuliers, au pair ou même en baisse, et qu’ils s’achètent ensuite à eux-mêmes,